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Cyber-réveillon et révolution

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Leur rôle a été souvent, même trop, mis en avant durant la révolution tunisienne. Descendus dans la rue pour certains, rivés sur leurs ordinateurs pour d’autres, les blogueurs ont participé à l’élan populaire même si aujourd’hui, beaucoup insistent sur le fait que «la révolution, ce n’est pas nous». Pourtant, le 31 décembre 2010, chacun fêtait un réveillon bien particulier.

Un an déjà est passé sur la première révolution des temps modernes. Une révolution qui a changé et change toujours le monde entier. La Tunisie, l’année dernière, était trop différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Les gens, semble-t-il, étaient aussi différents. Certains, se cachaient, d’autres tuaient, d’autres mourraient, et d’autres se révoltaient …La majorité des Tunisiens, ces derniers jours se rappelaient, en public ou en privée, de ce qu’ils faisaient la même période, l’année dernière. Nostalgie quand tu nous prends ! Le réveillon 2011-2012 m’a permis de revivre certains moments de l’année dernière avec les blogueurs.

Moi aussi, je me rappelle de cette période où des quelques dizaines ont commencé à manifester dans les rues de Sidi Bouzid, Meknasi, Bouzayane, Regueb, Kasserine, Tunis et autres villes. Et je me rappelle, surtout, des quelques statuts de Facebook, audacieux à l’époque, qui insultaient le régime, et qui partageaient les photos et vidéos des martyrs défiant Ammar 404, la police politique et les RCDistes nombreux et arrogants sur les réseaux sociaux.
«Comme aujourd’hui, le 31 Décembre 2011, on avait essayé de faire une manifestation à Bab Dzira, la police nous a attendu et elle arrêtait tout jeune qui passait. Le soir j’étais kidnappé pendant 3h au poste de police de Charles de Gaulle, puis j’ai écrit un texte le soir même» C’est ainsi que le blogueur Aziz Amami a raconté ses souvenirs du jour de l’an 2011.

Inquiet sur le sort de son ami, Skan Bullet a passé «une nuit blanche sur twitter et facebook avec Emna Ben Jemaa et d’autres activistes.…»Cette dernière, a fêté le réveillon à sa manière.

«Le 31 décembre 2010, j’avais proposé que chacun se déguise dans le personnage de notre première dame, à l’époque, Leila Ben Ali. Donc, tout le monde s’est déguisé en prostituée. Et nous avons passé la soirée entre chansons révolutionnaires et discussions.» a détaillé Emna avec beaucoup de nostalgie et d’amertume puisqu’elle a perdu plusieurs amis dans cette période. «Je me rappelle que j’ai supprimé plusieurs amis sur Facebook et de la vie réelle, à chaque fois que je partage un lien important et qu’ils ne réagissent pas ou m’attaquent», explique la journaliste blogueuse.

La blogueuse Emna ben Jemaa

Entretemps, Slim Amamou, a commencé à avoir peur d’une arrestation et d’un procès puisque «le matin du 31/12/2010, anonymous s’intéressait pour la première fois a #sidibouzid» nous rappelle-t-il sans préciser le degré de son implication dans cette affaire. «La veille, je me rappelle que j’ai passé la soirée avec Azyz Amami et on a lancé la campagne #7ellblog pour journalistes.» rajoute Slim.

Un peu loin de ces cyber-activistes, Leena Ben Mheni, la fameuse blogueuse de la révolution, vivait, au même temps, des moments de souffrance et de résistance inoubliables. Elle était sur terrain à twitter et à partager sur facebook des témoignages et des vidéos largement repris par le monde entier. «Je me rappelle de ces souvenirs avec beaucoup de nostalgie, de douleur et d’amertume» nous confit la jeune activiste qui a enduré, après le 14 Janvier, des mois d’attaque de diffamation et d’hostilité sur les réseaux sociaux. Puis, elle rajoute, d’après un extrait de son livre «… Le lendemain matin, nous avons appris la libération des deux avocats kidnappés. Leila avait été blessée lors du bras de fer entre policiers et avocats au palais de justice. Nous avions presque oublié que c’étaient les fêtes de fin d’année. Tard le soir du 31 décembre, tandis qu’elle gémissait dans son lit, je suis sortie acheter de quoi manger mais le cœur n’y étant pas, je n’ai rapporté qu’un grand bouquet de roses pour Leila, tout de même !»

Les blogueurs Slim Amamou et Azyz Amami

Dans cette même douleur, Olfa Riahi, cyber-activiste, dévouée depuis le 17 Décembre à la révolution tunisienne, s’enfermait dans son petit appartement accompagnée d’une cousine et de son ordinateur connecté à Internet. «J’étais vraiment en deuil et voulais voir personne. J’ai pleuré toute la soirée et je n’arrêtais pas de partager et de regarder les vidéos des martyrs … en boucle !» Se rappelle-t –elle avant de commenter «mais l’année dernière, j’avais de l’espoir que j’ai totalement perdu cette année.» Elle a d’ailleurs publié cette année un post sur Twitter assez révélateur:


A son opposé, Sofiane Chourabi se montre optimiste. «Aujourd’hui, je sens que nos sacrifices pour la liberté ont donné des fruits. C’est vrai que nous n’avons pas réalisé tous les objectifs de la révolution mais j’espère qu’on réussira à garder nos acquis et à avancer pour en acquérir d’autres.» Explique le journaliste, activiste et blogueur. Pour lui, le jour de l’an était assez spécial. «C’était trop différent des années précédentes. J’étais poursuivi de près par la police politique puisque j’ai organisé le jour du 31 décembre 2010, une manifestation de soutien aux militants de Sidi Bouzid, à la place de Mohamed Ali (UGTT). Cela ne m’a pas empêché de réunir des amis proches chez moi pour boire à l’honneur de la liberté» ironise Sofiane à la fin.

Comme lui, Lilia Weslati alias Li Liopatra, a fini sa soirée de réveillon par la danse et le défoulement. «Il existe chez l’humain cette capacité parfois de se détacher. En rentrant, je me souviens que j’étais amoureuse d’un homme … Je pensais à lui cette nuit là, je ne savais pas dans quel camp il était, du côté des méchants (la mafia des Trabelsi) ou du côté des gentils (le peuple)…» confie Lilia avec beaucoup de franchise avant d’ajouter «n’empêche que toute la journée du 31 décembre 2011, j’étais consacrée à la couverture des évènements de la révolution. J’avais donné à un ami qui a toujours voulu rester anonyme l’accès de mon ordinateur pour qu’il finalise d’uploader des vidéos via dropbox. Et j’ai publié, à mon tour, des vidéos sur un faux profil facebook:Sarra Hamdy»

Ce grand tournant dans l’histoire de la Tunisie est pour certains une source d’optimisme. Mais pour d’autres, il est devenu l’expression d’un certain désespoir.

Cependant, quelques blogueurs comme Bigtrapboy voient les choses avec plus de recul et d’objectivité. «A cette époque là j’étais surtout triste pour les gens qui se faisaient tirer dessus comme des lapins, je n’étais ni optimiste ni pessimiste, mais j’étais anxieux. J’ai toujours rêvé d’un pays libre et libéré, mais je savais que la transition était difficile et risquée. Aujourd’hui je constate que j’avais raison d’avoir quelques réserves par rapport à la vague du tout révolutionnaire. Il faudra du temps avant que tout s’arrange, et puis surtout une révolution des esprits qui n’a jamais eu lieu.» Explique Bigtrapboy.

C’est ainsi que le réveillon dernier est resté gravé dans la mémoire de plusieurs Tunisiens (et spécialement les activistes, les avocats, les facebookeurs et twitteurs et les familles de martyrs). Pas seulement le jour de l’an mais toute une année qui marquera l’histoire moderne de la Tunisie. Entre les attentes des uns et la poursuite de l’engagement pour d’autres, 2012 sera certainement une année aussi riche que la précédente.

A suivre: Où en sont les blogueurs tunisiens un an après ?

Henda Hendoud


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